Le petit arbre mort

Huile : 27 x 21

C’est facile quand on est vent, avec un peu d’élan, de venir gifler sans arrêt un petit arbre seul.
Moi, le giflé, je le sais bien, je suis trop ancré au sol, maigre et noueux, mal nourri, pas un physique avantageux, un peu raide du tronc, faiblard, la feuille dispersée, je ne tiens que la pierre, je ne peux pas éviter les coups.
J’aurai préféré naître autre part, autrement, téter une autre terre, pouvoir bouger. Au début j’ai écouté, regardé, je me suis intéressé aux nuages, aux saisons, mais j’ai découvert le froid, le chaud, et l’ennui.
C’est facile quand on est là-haut sur un cheval de labourer le dos du taureau.
Moi, le labouré, je le sais bien, je suis maladroit, trop large, un manque de souplesse, je m’emmêle les sabots, les odeurs me troublent, les gradins font des vagues, je ne vois que le sable, j’ai un peu mal au cœur, je ne peux pas éviter les coups. Olé !
J’aurai préféré naître autre part, autrement, flâner dans des prairies romantiques, me glisser sous les pâquerettes. Au début j’ai écouté, regardé, j’ai cherché à partager leurs jeux compliqués, je n’ai rien compris et j’ai trouvé l’ennui.
C’est facile quand on est plein de force de venir fouetter le petit arbre seul. La bise en a abusé, je suis trop exposé, la garce m’a dépouillé.
J’aurai voulu un bout de haie, un buisson, frôler d’autres branches, d’autres murmures, embellir un bosquet. Je suis resté malingre, un rien me casse. La solitude est pesante, pourtant il y a des toits plus loin.
C’est facile quand on est jeune et vif de narguer le taureau d’un chiffon rouge. Petit bonhomme tu me snobes, tes chaussures sont minuscules, je suis trop prévisible et la prise de sang du cavalier m’a fatigué. Olé !
J’aurai voulu entendre glouglouter des ruisseaux, patauger dans la vase, sentir d’autres cuirs, d’autres souffles. Je n’aime pas la bagarre, du genre paisible, un trèfle m’attendrit. La solitude est pesante, pourtant il y a des rires qui dégueulent des étages de ce manège bizarre, je vais vomir. Olé !
C’est facile dans ces hurlements de nous faire mourir.
Crac, ça s’est enfoncé, d’un coup, bien visé, une brûlure, une déchirure, un trait de scie, petit bonhomme était méchant, l’agité était cruel, ses chaussettes étaient ridicules.
Je suis abattu, je me suis couché dans ce champ dont les fleurs resteront pour les tueurs.