La petite lampe rose

Huile : 46 x 38

Dans la nuit j’en ai discuté longuement avec mon auteur préféré.
Tandis que je lui faisais part de mes observations, il m’écoutait avec attention.
Son roman fait 250 pages, je vérifie toujours lors de l’achat, jamais moins de 200 pages, je ne supporte pas.
J’ai mes habitudes de lecture : je dévore les 30 premières pages, d’un trait, concentré, pour m’en imprégner et puis j’arrête, net. Je peux aller jusqu’à 40 pages mais pas une de plus, je ne tolère pas.
Pendant plusieurs jours, voir quelques semaines, le livre reste fermé sur la table de chevet pendant que j’imagine une suite à l’histoire. Ce temps passé, je reprends le bouquin, pour découvrir les 30 dernières pages et la fin imaginée par l’écrivain.
Je ne lis jamais le milieu, c’est une règle absolue. Déjà pour l’amour, je privilégie les préliminaires et le final, l’activité centrale me semble mécanique et monotone.
Le romancier s’étonne, s’interroge, s’inquiète de ma méthode et multiplie les remarques… j’argumente.
Maintenant il dit ne pas comprendre, désapprouve, conteste, me dit sot, pédant, arrogant… j’argumente encore.
Le débat devient vif, il tourne autour du lit, s’échauffe, s’énerve, on se jauge, on s’attrape au col, lui a ma veste de pyjama, un bouton saute.
C’est un teigneux, sa photo sur la couverture ne le laissait pas deviner. Il me secoue, me bouscule, me secoue plus fort, le pyjama cède, la vue de mon corps tout chaud va peut-être le calmer. Pas du tout, le voilà qui cherche à m’étouffer avec mon oreiller.
Ce con va bien finir par me réveiller !
Voilà, c’est fait, je suis réveillé, et trempé, il a gagné le romancier ! Trois heures du matin, je m’étais endormi, sous la petite lampe rose, lumière allumée, livre ouvert, le nez en plein milieu de l’histoire.
Il n’avait pas besoin de se fâcher, finalement j’y étais arrivé au milieu de son bouquin ! Après tout, chacun fait ce qu’il veut de ses rêves, tous mes boutons sont arrachés.
Pourvu que pendant l’amour je ne m’endorme pas au milieu.