Chardinet

Huile : 55 x 46

J’avais l’espoir, de promouvoir, en faisant croire, qu’il fallait voir, même dans une foire, quelques unes de mes peintures. J’exposerai, rendez-vous aléatoire avec la gloire.
Il me fallait leur trouver un nom à ces peintures. Dans les salons on en trouve de pompeux. Celle que je terminais je l’appellerai : Hommage à Chardin. Il s’agissait d’une nature morte de ma composition avec bouteilles, fruits, divers objets et sur le fond une petite reproduction infidèle d’une œuvre du Maître. Hommage à Chardin, ça sonnait bien.
J’exposerai donc, mon travail allait être enfin récompensé. Bien sûr mon projet allait attirer les convoitises, provoquer des jalousies, ceux qui pensent être des créateurs s’épient et se copient. Qu’importe, j’allais révéler mon ouvrage, j’en rêvais, mon atelier était devenu le Louvre, l’Ermitage, le Prado au moins.
Un soir, rentrant chez moi, je trouvais ma porte forcée. Un tenté, un envieux, un convoitant s’était manifesté. Quel honneur, le bruit avait couru, mon talent était enfin reconnu, un admirateur s’était piégé, il n’avait pu résister, j’étais cambriolé !
Action !
Moi, pointant dans le noir deux doigts en forme de revolver vers une ombre :
– Haut les mains !
Lui bras chargés, encombré, peu troublé, me bousculant légèrement dans sa fuite :
– Peau d’lapin, la maîtresse en maillot d’bain !
Je déduisais de cette répartie que j’avais peut-être affaire à un ancien élève de ma femme institutrice et pratiquante assidue de la piscine locale.
À peine apparu, il disparut dans la rue.
Je dressais le bilan de mon vol. Le visiteur avait-il laissé quelques tableaux qui témoigneraient pour les futures générations de la qualité de mon travail ?
Quelle désillusion, mes CD, DVD envolés, mon baladeur emmené balader, tout ce petit matériel préféré à mes toiles ! Mon Hommage à Chardin là, tranquille, adossé à ses copains portraits, paysages et autres scènes de genre !
Même pas le plaisir d’un cambriolage de qualité ! J’eusse préféré un connaisseur ! Pas d’amateur pour mon Chardinet ?
Qui veut m’exposer ?