Coulommiers boutique

Huile : 35 x 25

Effacé comme un bonhomme de craie mal essuyé du tableau, Monsieur Gloussard avait la silhouette discrète, une image indécise. Sur un anniversaire de plus après la cinquantaine, il ne s’était plus rasé, le poil était sorti, craintif et tout gris, il en fut étonné, le temps avait passé.
Le manque de reconnaissance de ses proches pour ses qualités l’avait enfoncé dans une modestie profonde, cette barbe poivrée allait l’attirer vers encore plus d’insignifiance. Il ne se vêtirait plus que de gris, pour être tout uni, d’un gris tout à fait banal, pas de ces gris riches, perle ou anthracite.
Ainsi, monochrome, des cheveux à la barbe, des habits aux chaussures, Monsieur Gloussard se fondrait dorénavant au décor, béton et macadam, pour exister sans paraître, un translucide chez les dédaigneux, une ombre chez les agités.
Ce matin-là maussade, ciel vague et bas, avarice de lumière, il pourrait se cacher dans l’imprécision des formes.
La première personne qu’il avait croisée, comme d’habitude, l’avait ignoré. La deuxième personne qui l’avait frôlé, ne l’avait même pas remarqué. La troisième l’avait touché, presque bousculé, elle ne s’était pas excusée comme si elle n’avait rien éprouvé.
Il décida de se planter là, au milieu du trottoir, sans bouger, à attendre que la quatrième le contourne et l’évite, mais elle sembla ne pas le voir. De devant lui elle se retrouva derrière, semblant l’avoir traversé. Les suivantes firent de même, sans détour et sans rien ressentir.
Ce matin-là maussade, ciel vague et bas, avarice de lumière, Monsieur Gloussard avait gagné, son envie de transparence l’avait rendu inconsistant.
En revenant chez lui, Monsieur Gloussard en rupture de couleurs, ressorti ses anciennes photos et cartes postales, celles en noir et blanc, vieillottes et fanées, ses sœurs de désuétude.