La vieille droguerie

Huile : 92 x 65

En revenant de sa journée de travail, de juin à septembre, Lisette tendre comme une chouquette prenait un bain de pieds.
Elle les avait sensibles, les étalait dans la petite cuvette, étirements des orteils et bulles coquines.
Arnaud son costaud y faisait flotter des pétales de fleurs, au printemps les pivoines et l’été les roses, nageurs rougeauds, premières caresses de la soirée.
Aujourd’hui, à grands coups de seau, Arnaud son nigaud, lave la terrasse.
Ils s’étaient rencontrés à l’automne sur le trottoir d’une vieille droguerie, elle allait y acheter une cuvette, lui un seau, depuis vivaient ensemble, apprivoisaient leurs corps, devinaient les désirs, guettaient les soupirs.
De sa place, pieds dans la petite cuvette, elle le mate, son Arnaud, son pataud, dans sa transpiration, ses éclaboussures. Il vadrouille et s’active, vient puis disparaît, fait l’imbécile, maladroit il renverse son dernier seau.
Lisette, à présent fraîche comme une pâquerette, s’est trop penchée dans sa curiosité, la cuvette aussi est renversée, les pieds ramollis et rosés, il va lui chatouiller, son Arnaud, son julot.
De plus impatients encore attendaient ce moment : la cuvette et le seau maintenant rangés dans le placard.
Dans l’intimité de leur cagibi, les voilà remboîtés, bien serrés l’un dans l’autre. Ils s’étaient rencontrés à l’automne sur les étagères d’une vieille droguerie, depuis vivaient ensemble, apprivoisaient leurs corps, devinaient les désirs, guettaient les soupirs.
Le temps a passé, l’hiver est revenu. En rade, Lisette sèche comme une crevette, Arnaud le salaud astique d’autres panards.
Dans l’intimité de leur cagibi la cuvette et le seau, emboîtés, bien serrés l’un dans l’autre.