Encore la chambre de Vincent

Huile : 65 x 50

Pour m’endormir plus facilement, moi qui ai l’assoupissement souvent encombré, j’ai décidé de ne penser à rien. Tête douillettement posée sur oreiller confortable, paupières baissées, corps relâché, c’est décidé, je ne pense à rien… c’est plus facile à dire qu’à faire.
Un exemple : la vision obsédante de la chambre de Vincent Van Gogh m’a amené un soir, au coucher, à m’y rendre pour y prendre quelques mesures, j’avais, moi aussi, envie de la peindre, j’en profiterai pour aérer et secouer sa couette.
Je passerai par la fenêtre, on voit bien sur la toile qu’il l’a laissée ouverte. Hop là !
J’y suis, d’ailleurs tout y est : le lit et la couette, la cruche, le vieux parquet… mais des bruits dans l’escalier… deux braillards chantant à tue-tête: ‘la peinture à l’huile c’est bien difficile mais c’est bien plus beau que la peinture à l’eau’… et Vincent et son pote Gauguin qui me tombent dessus…éméchés.
Je tente de m’expliquer, rien n’y fait, je suis fait . Accusé, assailli, dévêtu, de violeur je vais devenir violé.
Sans ménagement, je suis assis sur une des chaises ocre qu’ils déplacent au centre du tableau, pardon, de la pièce.
Vincent : ‘on va te barbouiller, connard.’
Gauguin : ‘c’est ça ou on te coupe une oreille, salopard.’
Je craignais pire. Ils sortent des brosses, ils pressent des tubes, et l’un qui me peint des tournesols sur le buste, et l’autre qui compose une scène mêlant vahinés et bretonnes de Pont-Aven sur mon dos.
‘Un mois de séchage, une bonne couche de vernis, t’es bon pour la galerie’ me chambrent les joyeux lurons.
C’est sûr, j’ai dû prendre une certaine valeur, mais pour moi fini les caresses, dès qu’on me touche ça sonne comme au musée.
Hier, pour m’endormir j’ai décidé de ne penser à rien.
J’y suis parvenu, je n’ai pensé à rien.
C’est inracontable.