Les tags, c’est cochon

Huile : 61 x 50

Il sentait l’andouille. Normal il était charcutier. S’il avait voulu il aurait fait pâtissier, il aurait senti la religieuse, il avait les dispositions, mais il préférait le salé. Sa mère regrettait.
Dans le prolongement d’un laboratoire carrelé, là où fini le dédaigné, il avait punaisé. S’étalaient : des cartes postales de Coulommiers et de Boissy le Châtel, des petites annonces marrantes du Chasseur Français, des recettes de cuisine de Maïté, une blague recopiée de Bigard, la photo de la ferme de Marcel vue du ciel, le programme du foyer municipal et puis des poèmes. Le Ronsard, le Villon, le Verlaine, le Hugo c’étaient quand même des sacrés cadors
Le hasard organisait l’ensemble. Et sa reine, et son bijou, et sa merveille c’était la Brigitte. Sur le mur, en vedette, à bonne hauteur, régulièrement dépoussiérée, récemment vernie pour freiner le vieillissement par un artisan du Lion’s se déployait la Bardot, celle qu’il aimait, celle qui ne l’aimait pas, le porc les séparait. Si elle avait connu sa passion, si elle avait su la motte de tendresse qu’il pouvait être, il n’était pas charcutier plus sensuel que lui, il irraisonnait sur la star. Sa création : une chipolata aux herbes de Provence baptisée la BB était la convoitée des barbecues des premières chasses.
La poésie ça le tenait, c’est en regardant la télé qu’il composait, un match de foot y’avait pas mieux pour l’inspiration, des fois, en buvant un verre il avait besoin des prolongations, voir des tirs au but pour le dernier vers. La charcutière patientait.
Demain, dès l’aube, à l’heure où m’lâchera ma compagne,
Je te tuerai. Je sais, tu seras pas content.
Je ferai des terrines, je ferai des campagnes,
Je ne puis demeurer sans tripoux plus longtemps.
Les championnats du monde de 1998 étaient à l’origine d’un de ses plus beaux textes :
Oh ! combien de saucisses, combien de mortadelles,
Qui faites de mes mains pour faire plaisir aux belles,
Dans mon beau magasin affichaient un bon prix.
Combien se sont jetées, de là vient ma fortune !
Dans le cabas gourmand, d’une cliente à tunes,
Sous le regard envieux des jeunes salamis.
Après le match il retournera taguer la porte du cochon de Marcel.
Demain matin, à 8 heures, Marcel il téléphonera pour dire qu’il y a encore des petits cons qui ont peint sur la porte du cochon.