Le banc

Huile : 73 x 54

Il devait s’éloigner, partir au bout du monde, ils devaient se séparer, la raison l’avait accepté, mais les corps… À l’automne seulement il reviendrait son amoureux. Sur le banc des adieux, les yeux s’étaient pénétrés, les lèvres collées, les poitrines étouffées. De grands arbres protecteurs avaient abrité leur désarroi, une jeune feuille d’un bout de branche retombant avait frôlé leurs émotions.
Amandine végéterait jusqu’à son retour, elle garderait ses atouts secrets, elle réserverait ses parfums, ses essences, et tous ses décolletés.
Pour la feuille du bout de branche au contraire, mai l’avait poussée à dévoiler ses verts vierges et tendres, juin et juillet les avaient sublimés, août et septembre les avaient rendus impudiques et plus profonds. Elle s’était alors totalement exhibée.
L’été s’était traîné pour l’une, avait filé pour l’autre.
Les vents d’octobre avaient réveillé la fille, bercé et engourdi les rameaux.
En novembre, tiroirs et penderies violentés, soieries défroissées, froufrous repassés, jupette écourtée, lèvres dessinées et peintes en attente d’amour, effeuillage espéré.
Les retrouvailles auraient lieu sur le banc des séparations.
La feuille s’est recroquevillée, elle a attendu la veille du baiser pour mourir en pluie de bruns, de jaunes, de roses, d’oranges et de rouges avec ses copines du platane, de l’érable et du marronnier, et offrir à Amandine un tapis épais et tranquille propice aux chuchotements.
La feuille avait souhaité cette fin mais elle n’a pas eu lieu. Amandine, jeune pousse au tempérament impatient n’avait pas pu attendre et s’était laissée entraîner sous les charmes d’un beau jardinier du parc, cruel ratisseur de l’automne.