L’étagère de jardin

Huile : 61 x 50

Les fourmis s’étaient regroupées pour le départ, résignées à quitter l’endroit. Au matin, brossage de dents, petit déjeuner copieux à base de sucres lents, étirements, et rassemblement là-haut sous le gros pot de fleurs.
C’est un jardin tout à fait ordinaire, extraordinaire de banalité. Une allée de dalles éreintées file droit entre deux bandes étroites de terre et relie une rue passagère, bruyante et roulante à un pavillon de banlieue sans caractère. Le jardin, tu le regardes et déjà tu regrettes.
Une haie de thuyas sottement appuyée à un grillage rouillé sépare du voisin de gauche, un peu de gauche. Un mur de briques écornées abrite à peine du regard myope et mesquin du voisin de droite, franchement de droite.
Le sol est soigneusement et régulièrement biné mais dessus rien, ou si peu : au centre, un buis poussiéreux taillé en boule, et quelque part, mal exposés, une ciboulette avachie et un persil maigrichon pour colorer la salade de tomates qui n’est plus digérée.
Les bestioles ont fui les gaz d’échappement. Papillon, où es-tu ? Que fais-tu ? Abeille, où es-tu ? Que fais-tu ?
– Nous on s’est tiré, il n’y a plus rien à becqueter dans le coin. L’écho répond : coin, coin.
Manque de pucerons, la coccinelle a pris ses dispositions. Elle est allée aux champs, écouter l’orchestre de violons des grillons rythmer les acrobaties des sauterelles, les paysannes aux grosses cuisses. L’escargot n’en bave plus à remonter l’allée, il a viré sa coquille et s’est rampé ailleurs, incognito, déguisé en limace. Le gentil ver de terre s’est faufilé sous la clôture à la recherche du bonheur perdu. Il était temps.
Bien sûr, pas un canard qui parle anglais, mais une file de fourmis qui partent silencieuses et décidées d’un pot de fleurs vers les herbes folles.