Le tapis rouge

Huile : 80 x 80

Dans le miroir bordé de coquillages elle s’était métamorphosée, houppette active, toutes les ocres, crayons de couleur, ombres, jeux de lumière, profondeur, illusion, d’insignifiante elle s’était voulue chatoyante, s’était jugée satisfaisante comme sur ses bulletins scolaires.
Elle aimait les violettes, et puis aussi les roses, on lui contait fleurette, ça la rendait toute chose.
Tard, elle avait pris le bord de mer, vêtue tout de blanc, la mer à gauche, splatch de la vague qui retombe, schllpp de l’eau qui roule le sable au retour, et les mouettes elles aussi habillées de blanc qui se pressent pour aller picorer dans la partie fraîchement découverte.
Elle ira jusqu’au bar du casino, face à la mer, pour se montrer et rencontrer.
Il s’était étiré, avait bu un reste de coca tiède, relu rapidement les notes sur ses derniers amours et éteint la télé.
Il aimait les jeunes femmes, les follettes, et aussi les plus vieilles, les moroses, il leur contait fleurette, ça les rendait toute chose.
Il notait ses conquêtes, de très bien à satisfaisante. Si la moyenne n’était pas atteinte c’est qu’il s’était trompé, il n’inscrivait rien, il préférait oublier.
À la tombée de la nuit, il avait enfilé Marcel Proust*, la mer à droite, elle serait à gauche au retour. Il espérait ne pas le faire seul.
Il ira jusqu’au bar du casino, face à la mer, pour se montrer et pour chasser.
Ils y étaient arrivés ensemble, à s’en toucher. Sur les marches un tapis rouge était étalé. À l’intérieur, les belles actrices du Festival du cinéma romantique affichaient leur beauté. Ils se mêlèrent à la foule, pointes des pieds et cous tendus pour mieux voir, se retrouvèrent alors serrés l’un contre l’autre sans le vouloir.
Ils ne le sentirent même pas, trop occupés et éblouis par la splendeur des stars, il ne vit qu’Emmanuelle*, elle ne vit que Sandrine*.
Elle se compara et en fut complexée, moral atteint, petite salive ravalée, d’un seul coup les pieds gonflés, naissance d’une ride, la poitrine un peu trop comprimée, elle ne pensa plus qu’à se cacher, de satisfaisante, elle se sentit insuffisante.
Lui fut fasciné et renonça pour ce soir à ramener une proie qui lui paraîtra trop banale, qui n’obtiendra pas la moyenne, sûrement insuffisante.
Après les flashs ils reprirent donc le tapis rouge et retournèrent chacun de leur côté, elle la mer à droite, lui la mer à gauche

* Promenade Marcel Proust : grande promenade de bord de mer de Cabourg, Calvados
* Emmanuelle : Emmanuelle Béart. Sandrine : Sandrine Bonnaire.