Enfant, mannequins et marionnette démasquée

Huile : 61 x 50

Dès que je me couche, il se réveille, dès que j’éteins, il envoie sa lumière. Le radio réveil veille sur mon sommeil, présence éclairante de mes émotions nocturnes.
Au début chacun est convaincu de son rôle, je suis là pour dormir, il est là pour renseigner. Mais très vite je le rejoins dans son agitation. Il égrène le temps, je surveille s’il ne me trompe pas.
Ses petits points lumineux chiffrent ma nuit.
La magique, l’insaisissable, la sorcière c’est la zéro heure, zéro minute. Rien que des ronds, quatre bulles affichées et légères dans leur aquarium. On dirait que la nuit va être paisible, devant ce peu d’information, bonsoir le néant. Cette heure là elle est rare, si on la rate il faudra attendre peut-être longtemps avant de la revoir, comme une éclipse. Il est possible de se présenter avant comme pour ne pas manquer un rendez-vous amoureux.
Plus tard on pourra voir la canaille 2 h 22 v’la les flics puis la 3 h 33 du Docteur Philippe.
3 h 41 j’ai raté le Docteur Philippe.
Je sors d’un rêve de visage d’enfant, de figure de marionnette et de têtes de mannequins. Leurs regards fuyaient en dehors, ils étaient prêts à m’échapper. S’ils me quittent, qui sait qui va les remplacer, ça y est, rattrapées les beautés, retour au bercail de mes songes, 3 h 56.
Je m’amuse à leur donner vie, à les colorer doucement, j’ai mille pinceaux à ma disposition. Tel un jongleur je passe du carmin au magenta, du cadmium au garance, du vermillon au cramoisi. Je les noie dans le blanc argent de ma rêverie pour étaler des pastels caressants. J’adore ça, je discerne même l’odeur de la térébenthine. Ils apprécient mes tons et plaisantent sur ma maladresse.
– Vous avez l’heure ? dit la marionnette en se démasquant.
Et moi comme un ballot qui répond : 6 h 15.
Tout le monde est parti, marionnette et compagnie, me revoilà avec mon radio réveil. Dans 5 minutes le boute-en-train après avoir affiché il va jacasser, il va raconter l’extérieur. Je ne le quitte plus des yeux.